Les protocoles ouverts visant à normaliser la manière dont les systèmes d'IA se connectent, communiquent entre eux et absorbent le contexte de leur utilisation apportent un début de maturité dans un marché de l'IA où les DSI restent confrontés à la difficulté de concrétiser les promesses de la technologie dans un environnement d'entreprise.

Trois protocoles en particulier - Model Context Protocol (MCP), Agent Communication Protocol (ACP) et Agent2Agent - sont susceptibles d'aider les responsables informatiques à mettre derrière eux plus de deux ans de prototypes qui ont majoritairement échoué, ouvrant ainsi une nouvelle ère dans l'IA, affirment les experts.

« À une époque où l'IA devient la pierre angulaire de la stratégie d'entreprise, les efforts de normalisation ne sont pas de simples notes de bas de page sur des détails techniques - ils portent l'infrastructure de demain alimentée par l'IA », estime Zach Evans, directeur technique de la société d'IA spécialisée dans la santé Xsolis. « Ces protocoles permettent aux systèmes de communiquer de manière transparente au-delà des frontières organisationnelles. »

Intégration entre les IA

Bien que d'autres protocoles ouverts puissent encore voir le jour, les efforts de normalisation augmenteront probablement les taux d'adoption de l'IA, souligne Zach Evans, en particulier lorsqu'ils faciliteront la connexion aux modèles et agents de plusieurs fournisseurs - une question clé dans la gestion des agents d'IA auquel les responsables informatiques seront bientôt confrontés. « Lorsque différents systèmes d'IA seront en mesure d'interagir plus facilement les uns avec les autres, l'histoire nous montre que cela va favoriser l'adoption. Il ne s'agit alors plus d'un unique fournisseur fonctionnant en vase clos. Ces fournisseurs et leurs solutions auront la possibilité d'interagir entre eux et de créer des transferts intelligents. »

Les nouveaux protocoles permettront aux équipes informatiques de connecter de manière transparente divers agents d'IA et de réduire le coût et la complexité de ces intégrations, précise Gary Lerhaupt, vice-président de l'architecture des produits chez Salesforce. « Sans protocoles standardisés, les entreprises ne seront pas en mesure de tirer le maximum de valeur des tâches numérique, ou seront obligées de construire elles-mêmes des capacités d'interopérabilité, ce qui augmentera la dette technique », explique-t-il.

Les protocoles sont également essentiels pour la sécurité et l'évolutivité de l'IA, car ils permettront aux agents de se valider mutuellement, d'échanger des données et de coordonner des flux de travail complexes, ajoute Gary Lerhaupt. « L'industrie peut construire des systèmes multi-agents plus robustes et plus fiables qui s'intègrent à l'infrastructure existante, encourageant l'innovation et la collaboration au lieu de solutions ponctuelles isolées et fragmentées, dit-il. Pour les DSI et les responsables IA, cela se traduit par une plus grande flexibilité, une sécurité améliorée et la possibilité de mener des initiatives plus stratégiques et plus efficaces dans l'ensemble de leur paysage technologique. »

MCP : connecter l'IA au contexte de l'entreprise

Model Context Protocol, publié par Anthropic en novembre dernier, fournit un moyen normalisé de connecter les modèles d'intelligence artificielle à différentes sources de données et à différents outils, y compris les données détenues par les entreprises elles-mêmes. Selon Anthropic, développeur des modèles d'IA Claude, le principal avantage du MCP réside dans la flexibilité par rapport aux LLM, le protocole permettant aux utilisateurs de passer d'un modèle à l'autre et d'un fournisseur à l'autre.

Cette flexibilité permet aux DSI de choisir le modèle offrant les meilleures performances pour les besoins de l'organisation, explique Jim Piazza, vice-président de l'IA et des systèmes prédictifs chez le fournisseur de services managés Ensono. Cela leur permet également d'éviter le verrouillage des fournisseurs, ajoute-t-il. « À mesure que les modèles deviennent plus spécialisés, MCP nous offre la possibilité de mettre un peu d'ordre dans le chaos, explique-t-il. J'appelle - affectueusement - MCP la stack de plomberie. Il permet de tout relier. »

MCP dispose également d'un nombre croissant d'intégrations prédéfinies auxquelles un LLM peut se connecter. En mars, Microsoft a annoncé la prise en charge de MCP dans son outil de personnalisation et de création d'agents, Copilot Studio. L'intégration permet à Copilot Studio d'ajouter de nouvelles applications et de nouveaux agents d'IA par l'intermédiaire de MCP. D'autres fournisseurs de solutions d'IA ont également annoncé la compatibilité avec MCP au cours des dernières semaines.

ACP : faciliter la communication entre agents

Plus tôt cette année, après la sortie de MCP, IBM a annoncé un projet appelé Agent Communication Protocol, conçu pour permettre aux agents d'IA, même de différents fournisseurs, de se connecter les uns aux autres.

ACP est « un protocole universel qui transforme le paysage fragmenté actuel des agents d'IA en coéquipiers interconnectés », écrit Sandi Besen, responsable de l'écosystème et ingénieur de recherche en IA chez IBM Research, dans Towards Data Science. « Cela permet d'atteindre de nouveaux niveaux d'interopérabilité, de réutilisation et de mise à l'échelle », ajoute-t-elle.

ACP utilise des modèles HTTP standard pour la communication, ce qui facilite son intégration dans la production, par rapport à JSON-RPC, qui repose sur des méthodes plus complexes, souligne Sandi Besen. Le protocole fait partie d'un écosystème d'IA, comprenant BeeAI, dont IBM a fait don à la Fondation Linux en avril dernier.

Agent2Agent : l'interopérabilité à la sauce Google

Toujours en avril, Google a dévoilé un protocole d'IA concurrent d'ACP : Agent2Agent, qui permet également à des agents d'IA disparates d'interopérer les uns avec les autres. « Les entreprises bénéficient ainsi d'une méthode normalisée pour gérer leurs agents sur diverses plateformes et environnements cloud, ont écrit les développeurs de Google dans un article de blog. Nous pensons que cette interopérabilité universelle est essentielle pour réaliser pleinement le potentiel de la collaboration entre agents d'IA. »

Agent2Agent (ou A2A), soutenu par plus de 50 partenaires technologiques de Google (dont Atlassian, Langchain, Salesforce, SAP, ServiceNow et Workday), permettra aux responsables informatiques de relier entre eux une série d'agents, ce qui facilitera l'obtention des fonctionnalités spécialisées dont leurs organisations ont besoin, explique Jim Piazza d'Ensono.

ACP et Agent2Agent, qui mettent l'accent sur la connexion entre agents d'IA, sont des protocoles complémentaires de MCP, davantage centré sur le modèle, affirment leurs créateurs.

Avec l'émergence des nouveaux protocoles, Jim Piazza imagine l'apparition de magasins permettant aux utilisateurs de choisir parmi une multitude d'agents spécialisés et de modèles provenant de plusieurs fournisseurs. « Disons qu'il existe 100 000 modèles, explique-t-il. Pourquoi devrais-je former mon propre modèle, si je peux obtenir des résultats décents à partir d'un modèle préexistant et préhébergé, que je peux simplement appeler via MCP ? », souligne-t-il.

En fin de compte, les nouveaux protocoles dessinent un nouveau chemin dans l'adoption de l'IA, note Christian Posta, directeur technique de Solo.io, fournisseur de solutions de gestion d'API et de connectivité cloud. « L'IA évolue déjà très rapidement mais, sans normalisation, cette vitesse ne mène qu'au chaos, tranche-t-il. Les protocoles standardisés font la différence entre, d'un côté, se précipiter dans une direction de façon fragmentée et désordonnée, se répéter, faire proliférer les erreurs, et, de l'autre, passer à l'échelle autour d'un plan bien défini. »